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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

publique. Avoir été la maîtresse d’un Julot, c’est à mourir de honte !

Patrice n’osait regarder Dominique. Il l’observait toutefois à la dérobée. Elle était très pâle, mais toujours calme ; il devinait la lutte affreuse qu’elle devait soutenir pour ne pas se trahir.

Cependant, Richard, pâle, lui aussi, déclarait :

— Cet ignoble individu fausse la vérité… ça crève les yeux. Ses déclarations puent le mensonge.

Patrice, qui n’avait encore rien dit, regarda Richard en face :

— Qu’en sais-tu ? articula-t-il.

La maîtresse de maison se levait de table, tout le monde l’imita, mais avant d’entrer dans le salon, Patrice, prétextant un rendez-vous indispensable, prit congé, emmenant Dominique.

Dans l’auto qui les emportait tous les deux et qui roulait dans la tiédeur du soir d’été, il y eut entre eux un long silence. Enfin Dominique, d’une voix timide, chuchota :

— À quoi penses-tu, Patrice ?

— À ce que cet homme a dit de toi.

Elle se redressa, cabrée.

— C’est un mensonge d’un bout à l’autre ! un odieux mensonge !

— Ça n’en a pas l’air. Ça se tient rudement bien. Et puis, ajouta-t-il plus bas, il y a quelque chose d’effroyable.

— Quoi donc ? chuchota-t-elle angoissée.

— L’enfant possible, dit Patrice.

Dominique eut pour lui un regard de reproche. Comment osait-il la torturer ainsi, en évoquant…

— N’aie pas cette crainte, mon pauvre ami. Je l’ai eue moi aussi, mais rassure-toi, elle n’était pas fondée. Rien ne subsiste… Oublie tout.

Il la regarda dans les yeux, une seconde.

— Tu oublies, toi ?

Elle eut un petit mouvement.

— Non ! rien. Je ne peux pas oublier. C’est mon châtiment, mais il ne doit frapper que moi, c’est la croix que je dois porter seule.

— Seule ? Ma pauvre Dominique, tu ne seras pas assez forte.

— Tant pis pour moi. Je n’ai qu’un but, qu’une volonté, qu’un