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LE FORMIDABLE ÉVÉNEMENT
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c’est à cet endroit que l’agression avait eu lieu
c’est à cet endroit que l’agression avait eu lieu
c’est à cet endroit que l’agression avait eu lieu

Dolorès fut placée en travers de la selle. Mais au moment où Forsetta déroulait une corde qu’il avait autour de la taille, elle se dressa sur l’encolure même de la bête, domina le jeune Mazzani et, levant le bras, le frappa de son poignard en pleine poitrine. L’Indien tomba comme une masse sur Forsetta, et, lorsque celui-ci se fut dégagé, et qu’il voulut à son tour reprendre la lutte, Dolorès était déjà devant lui et, à bout portant, le menaçait de sa carabine qu’elle avait ramassée.

« Va-t’en, dit-elle… Toi aussi, Mazzani, va-t’en. »

Mazzani obéit et s’enfuit au galop. La figure convulsée de rage, Forsetta recula à pas mesurés, emmenant le second cheval. Elle commanda :

« Laisse-le, Forsetta. Et tout de suite… Sinon, je tire. »

Il lâcha la bride, puis, vingt pas plus loin, tournant le dos brusquement, il se sauva à toutes jambes.

Plus que l’incident lui-même — simple fait divers dans la grande tragédie — ce qui remua Simon, ce fut l’extraordinaire sang-froid qu’avait montré la jeune femme. Lorsqu’elle vint le délivrer, ses mains étaient glacées et ses lèvres frissonnantes.

« Il est mort, balbutia-t-elle, le plus jeune Mazzani est mort…

— Il fallait bien vous défendre, dit Simon.

— Oui… oui… mais tuer, quelle horreur !… J’ai frappé instinctivement… comme au cinéma. Voyez-vous, cette scène, tous les quatre, nous l’avons répétée plus de cent fois, les Mazzani, Forsetta et moi… comme elle s’est passée, avec le même enchaînement de gestes et de paroles… Jusqu’au coup de poignard !… C’est le petit Mazzani lui-même qui me l’avait apprise, et il me disait souvent : « Bravo, Dolorès, si jamais tu joues la scène de l’enlèvement dans la réalité, je plains ton adversaire. »

— Dépêchons-nous, dit Simon. Il est possible que Mazzani veuille venger son frère, et un homme comme Forsetta ne renonce pas… »

Ils continuèrent leur route et rejoignirent le câble. Simon marchait à pied, sur la même ligne que Dolorès. En tournant un peut la tête, il voyait son visage sombre couronné de cheveux noirs. Elle avait perdu son grand feutre ainsi que son boléro qui était resté sur la selle du cheval dérobé par Mazzani. Une chemisette de soie modelait son buste. Sa carabine lui barrait les épaules.

De nouveau, la région de pierre striée s’étendait à l’infini, peuplée des mêmes épaves, et traversée par les silhouettes errantes des pirates. Au-dessus, les nuages.