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LE RAYON B
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déjà effacé en moi tout mauvais souvenir, le péril qu’elle courait me rendait toute ma foi et toute ma tendresse.

Mes premières investigations à Ville-d’Avray, à Marnes et à Vaucresson, ne m’apprirent rien. Le château de Pré-Bony y était inconnu. À la Celle-Saint-Cloud, nouvel échec. Mais là, dans une auberge, je crus retrouver, par le hasard d’une question fortuite, les traces du sieur Velmot — un grand monsieur pâle, me fut-il répondu, qui passait souvent en auto, sur la route de Bougival, et que, le matin même, on avait vu rôder en dehors du village.

Je précisai mes questions : c’était bien Velmot. Il avait quatre heures d’avance sur moi. Et il savait où aller, lui ! Et il aimait Bérangère ! Quatre heures d’avance, pour un bandit de sa force et de son audace, qui jouait son va-tout sur ce dernier coup de dés ! Qui l’arrêterait ? Quels scrupules ? S’emparer de Bérangère, la tenir en son pouvoir, la contraindre à parler, tout cela n’était plus qu’un jeu facile maintenant. Et il aimait Bérangère !

Je me rappelle avoir frappé sur la table de l’auberge en m’écriant avec colère :

— Non, non, ce n’est pas possible !… le château dont je parle est bien de ce côté !… Il faut qu’on m’indique la route !

Désormais, je n’avais plus une seule hésitation. D’une part, je ne m’étais pas trompé en venant dans cette région. D’autre part, je savais que Velmot, ayant entendu la communication de Massignac et connaissant le pays pour y avoir habité, avait commencé sa campagne dès l’aurore.

On s’attroupait devant l’auberge. Avec une fièvre croissante, je posais des questions qui demeuraient sans réponse. Enfin quelqu’un me parla d’un carrefour désigné quelquefois sous ce nom de Pré-Bony, et situé dans les bois de Saint-Cucufa, à trois ou quatre kilomètres de distance. Une des routes qui rayonnaient de là conduisait à une maison neuve d’assez modeste apparence, où habitait un jeune ménage, le comte et la comtesse de Roncherolles.

J’eus vraiment l’impression que ma volonté avait suscité cet événement favorable et, pour ainsi dire, créé de toutes pièces et à ma portée, ce château inconnu qu’il me fallait atteindre à l’instant même.

Je m’y rendis en hâte, Au moment où je traversais le jardin, un jeune homme descendait de cheval, devant le perron.

— C’est bien ici le château de Pré-Bony ? lui demandai-je.

Il remit les rênes de son cheval à un palefrenier, et me répondit en souriant :

— C’est du moins ainsi qu’on l’appelle un peu pompeusement à Bougival.

— Oh ! murmurai-je, comme confondu par une nouvelle inespérée, c’est ici… et j’arrive à temps.

Le jeune homme se présenta. C’était le comte de Roncherolles.

— Puis-je savoir, me demanda-t-il, à qui j’ai l’honneur ?…

— Victorien Beaugrand, répliquai-je.

Et, sans aucun préambule, m’en rapportant à la physionomie de cet homme qui était ouverte et sympathique, je lui dis :

— Il s’agit de Bérangère. Elle est dans ce château, n’est-ce pas ? Elle y a trouvé un asile ?

Le comte de Roncherolles rougit légèrement, et il m’observa avec attention. Je lui saisis la main.

— Je vous en prie, Monsieur, la situation est grave, Bérangère est poursuivie par un homme extrêmement dangereux…

— Qui donc ?

— Velmot.

— Velmot ?

Le comte ne dissimula pas davantage et il répéta :