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— Il s’agit de quelques minutes, insista M. Desmalions. Il faut toujours profiter du désarroi que cause l’arrestation.

Patrice le suivit, mais ils purent se rendre compte que Bournef n’était pas de ces hommes qui se déconcertent aisément. Aux menaces, il répliqua en haussant les épaules.

— Inutile, monsieur, de me faire peur. Je ne risque rien. Fusillé ? Des blagues ! En France on ne fusille pas pour un oui ou pour un non, et nous sommes tous quatre sujets d’un pays neutre. Un procès ? Une condamnation ? La prison ? Jamais de la vie. Vous comprenez bien que, si vous avez étouffé l’affaire jusqu’ici, et si vous avez escamoté le meurtre de Mustapha, celui de Fakhi et celui d’Essarès, ce n’est pas pour ressusciter cette même affaire, sans raison valable. Non, monsieur, je suis tranquille. Le camp de concentration, voilà tout ce qui m’attend.

— Alors, dit M. Desmalions, vous refusez de répondre ?

— Fichtre non ! Le camp de concentration, soit. Mais il y a vingt degrés de régimes, dans ces camps, et je tiens à mériter vos faveurs, et par là à gagner confortablement la fin de la guerre. Mais d’abord que savez-vous ?

— À peu près tout.

— Tant pis, ma valeur diminue. Vous connaissez la dernière nuit d’Essarès ?

— Oui, et le marché des quatre millions. Que sont-ils devenus ?

Bournef eut un geste de rage.

— Repris ! Volés ! C’était un piège !

— Qui les a repris ?

— Un nommé Grégoire.

— Qui était-ce ?

— Son âme damnée, nous l’avons su depuis. Nous avons découvert que ce Gré-