Page:Leblanc - Le triangle d'or, paru dans Le Journal, du 20 mai au 26 juil 1917.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

a recommencé tout bas… à peine si je l’entendais : « Voilà, tu vas venir avec moi. Nous allons chercher une dame, Mme Essarès… On veut la tuer… Je l’ai bien cachée, mais elle est évanouie… Il faudra la porter… Et puis non, j’irai tout seul ; je m’arrangerai… Mais, je voudrais savoir… Ma chambre est toujours libre ? » Il faut vous dire qu’il a ici un petit logement, depuis un jour où il a dû, lui aussi, se cacher. Il y revenait quelquefois, et il le gardait, en cas, parce que c’est un logement isolé, à l’écart des autres locataires.

— Après ? fit Patrice, anxieux.

— Après ? Mais il est parti.

— Mais pourquoi n’est-il pas encore de retour ?

— J’avoue que c’est inquiétant. Peut-être cet homme, qui le suivait, l’a-t-il attaqué ? Ou bien peut-être est-ce la dame… la dame, à qui il est arrivé malheur ?…

— Que dites-vous ? Un malheur à cette dame ?

— C’est à craindre. Quand il m’a indiqué d’abord de quel côté nous allions la rechercher, il m’avait dit : « Vite, dépêchons-nous. Pour la sauver, j’ai dû l’enfouir dans un trou… Deux à trois heures, ça va. Mais davantage, elle étoufferait… le manque d’air… »

Patrice avait empoigné le vieillard. Il était hors de lui. l’idée que Coralie, déjà malade, épuisée, agonisait quelque part, en proie à l’épouvante et au martyre, cette idée l’affolait.

— Vous parlerez ! criait-il, et tout de suite. Vous nous direz où elle est ! Ah ! vous vous imaginez qu’on se fiche de nous à ce point ! Où est-elle ? Il vous l’a dit… Vous le savez…

Il secouait M. Vacherot par les épaules et lui jetait sa colère à la face avec une violence inouïe.