Page:Leblanc - Les Aventures extraordinaires d’Arsène Lupin (extrait Une aventure d’Arsène Lupin), 2004.djvu/18

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Enfin, ce soir, il y a eu ce bal des Valton-Trémor, qui sont mes amis… une femme charmante… Tous les jours, au cercle, son mari et moi…

MARCELINE. – Mais elle est veuve…

LUPIN, même jeu, très vivement. – Oui, depuis que son mari est mort… Mais avant, il devait me présenter… Et je suis resté là, à vous regarder… (Lupin s’est approché d’elle.) Oh ! vous ne pouviez pas me voir… je me cachais de vous… je suis horriblement timide. Comment vous aborder ?… Alors, j’ai pensé qu’ici… et je suis venu, au hasard… Et c’est comme ça que j’ai été pris au milieu de ce cambriolage… ce soir… Je voulais vous voir… vous parler… et m’en aller aussitôt. Oui, m’en aller tout de suite… N’est-ce pas, il ne faut pas qu’on me rencontre… Je vais partir par cette issue… Il n’y a que celle-là de libre… et tout de suite… tout de suite… Vous comprenez, n’est-ce pas ?

MARCELINE, qui l’observe, défiante. – Non… Non… je ne comprends pas… Je suis rentrée avec mon père.

LUPIN. – Eh bien ?

MARCELINE, en qui le soupçon grandit. – Nous avons fermé… alors… vous… comment ?

LUPIN. – Eh bien voilà, ça n’a aucune importance.

MARCELINE, qui s’écarte. – Mais si, mais si… vous êtes venu avec cet homme…

LUPIN, indigné. – L’homme à barbe rousse !

MARCELINE, s’éloignant vivement. – Laissez-moi… je veux…

LUPIN, la retenant, avec brusquerie. – Où allez-vous ? (Elle s’arrête interdite. Un temps. Il se domine, et doucement l’obligeant peu à peu à se rasseoir.) Oh ! je vous demande pardon… pardonnez-moi… (Il regarde furtivement sa montre et murmure :) Nom de Dieu ! (Puis il reprend, très humble au hasard des paroles, sans s’écouter pour ainsi dire et se contredisant

) Eh bien, oui, je suis venu avec cet homme… (Mouvement

de Marceline qui veut remonter à la porte du fond.) Non, non, soyez sans crainte, je ne suis pas son complice… Oh ! non ! un pareil gredin ! le dernier des misérables… mais je connaissais son projet et j’en ai profité pour venir… Je voulais emporter quelque chose de vous… non pas le collier… c’est lui qui l’a pris, je vous le jure… mais autre chose… n’importe quoi… votre portrait… oui, tenez, je l’ai pris, le voici… je vous le rends… vous voyez que je suis un honnête homme… Vous voyez… vous voyez… (Elle se rassure peu à peu et l’écoute malgré elle, tandis que Lupin, toujours distrait, d’une voix hachée, que le rôle qu’il joue et la hâte d’atteindre le but rendent plus pressante, continue

) Je vous en prie, renvoyez-moi… mettez-moi à la porte… je

vous en prie… sans quoi je vous dirai des mots, des mots que vous ne devez pas entendre… J’aurais voulu me taire, et je ne peux pas… Je vous aime… Je ne pense qu’à vous et c’est une telle joie que