Aller au contenu

Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/107

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’homme ne protestait pas. Tenu au collet par les deux agents, il paraissait réfléchir, comme s’il eût cherché à comprendre les motifs secrets d’une arrestation à laquelle rien ne l’eût préparé. Il avait une figure intelligente, une barbe châtaine à reflets un peu roux, des yeux d’un bleu gris dont l’expression devenait par instants, derrière le binocle qu’il portait, d’une certaine dureté. Les épaules larges, le cou puissant dénotaient la force.

— On lui passe le cabriolet ? dit Mazeroux au sous-chef.

— Une seconde… Le préfet arrive, je l’entends… Vous avez fouillé les poches ? Pas d’armes ?

— Non.

— Rien d’équivoque ?

— Non, rien.

Dès son arrivée, M. Desmalions, tout en examinant la figure du prisonnier, s’entretint à voix basse avec le sous-chef et se fit raconter les détails de l’opération.

Un mouvement de recul le rejeta…

— Bonne affaire, dit-il, nous avions besoin de cela. Les deux complices arrêtés, il faudra bien qu’ils parlent, et tout s’éclaircira. Ainsi, il n’y a pas eu de résistance ?

— Aucune, monsieur le préfet.

— N’importe ! restons sur nos gardes.

Le prisonnier n’avait pas prononcé une parole, et il conservait le visage pensif de quelqu’un pour qui les événements ne se prêtent à aucune explication. Cependant, lorsqu’il eut compris que le nouveau venu n’était autre que le préfet de police, il releva la tête, et M. Desmalions lui ayant dit :

— Inutile, n’est-ce pas, de vous exposer les motifs de votre arrestation ?

Il répliqua d’une voix déférente :

— Excusez-moi, monsieur le préfet, je vous demande au contraire de me renseigner. Je n’ai pas la moindre idée à ce sujet : Il y a là, chez vos agents, une erreur formidable qu’un mot sans doute peut dissiper. Ce mot, je le désire… je l’exige…

Le préfet haussa les épaules et dit :