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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/128

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Don Luis eut l’impression que dans le regard qu’elle lui adressa il y avait comme un appel à la pitié. Mais pitié pour qui ? pour les autres ? ou pour elle ?

Ils gardèrent un long silence. Don Luis, debout à quelques pas d’elle, songeait à la photographie, et il retrouvait avec étonnement dans la femme actuelle toute la beauté de l’image, toute cette beauté qu’il n’avait pas remarquée jusqu’ici, mais qui le frappait maintenant comme une révélation. Les cheveux d’or brillaient d’un éclat qu’il ignorait. La bouche avait une expression moins heureuse peut-être, un peu amère, mais qui conservait malgré tout la forme même du sourire. La courbe du menton, la grâce de la nuque, que découvrait l’échancrure du col de lingerie, la ligne des épaules, le geste des bras et des mains posées sur les genoux, tout cela était charmant, d’une grande douceur, et en quelque sorte d’une grande honnêteté. Était-il possible que cette femme fût une meurtrière, une empoisonneuse ?

Il lui dit :

— Je ne me souviens plus du prénom que vous m’avez donné comme étant le vôtre. Mais ce n’était pas le véritable.

— Mais si, mais si, dit-elle.

— Vous vous appelez Florence…

Elle sursauta.

— Quoi ? Qui est-ce qui vous a dit ? Florence ?… Comment savez-vous ?

— Voici votre photographie, et voici votre nom, presque effacé.

— Ah ! fit-elle, stupéfaite, et regardant l’image, est-ce croyable ?… D’où vient-elle ? Dites, où l’avez-vous eue ?…

Et soudain :

— C’est le préfet de police qui vous l’a remise, n’est-ce pas ? Oui… c’est lui… j’en suis sûre… Je suis sûre que cette photographie sert de signalement et qu’on me cherche… moi aussi… Et c’est toujours vous… toujours vous…

— Soyez sans crainte, dit Perenna, il suf-