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Soudain, tous, ils eurent une exclamation. Quelque chose d’insolite, un froissement de feuille venait d’interrompre le silence. Déjà M. Desmalions avait tourné l’interrupteur. Il poussa un cri. La lettre était là, non pas sur la table, mais à côté, par terre, sur le tapis.

Mazeroux fit le signe de la croix.

Les inspecteurs étaient livides.

M. Desmalions regarda don Luis, qui hocha la tête sans rien dire.

On vérifia l’état des serrures et des verrous. Rien n’avait bougé.

Ce jour-là encore, le contenu de la lettre compensa, en quelque manière, la façon vraiment inouïe dont elle émergeait des ténèbres. Elle achevait de dissiper tous les nuages qui enveloppaient le double assassinat du boulevard Suchet.

Toujours signée par l’ingénieur, écrite par lui à la date du huit février précédent, sans adresse visible, elle disait :

« Mon cher ami,

« Eh bien ! non, je ne me laisserai pas égorger comme un mouton qu’on mène à l’abattoir. Je me défendrai, je lutterai jusqu’à la dernière minute. Ah ! c’est que maintenant les choses ont changé de face. J’ai des preuves maintenant, des preuves irrécusables… Je possède des lettres qu’ils ont échangées ! Et je sais qu’ils s’aiment toujours, comme au début, et qu’ils veulent s’épouser, et que rien ne les arrêtera. C’est écrit, tu entends, c’est écrit de la main même de Marie-Anne : « Patiente, mon Gaston bien aimé, le courage grandit en moi. Tant pis pour celui qui nous sépare, il disparaîtra. »

« Mon bon ami, si je succombe dans la lutte, tu trouveras ces lettres-là (et tout le dossier que je réunis contre la misérable créature) dans le coffre-fort qui est caché