Aller au contenu

Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lui-même son auto découverte, et il la conduisait d’une telle façon que Mazeroux, un peu suffoqué, articulait de temps à autre :

— Bigre, nous marchons… Cré tonnerre ! ce que vous en mettez, patron !… Vous ne craignez pas la culbute ?…

Ils arrivèrent à Alençon pour déjeuner. Le repas fini, ils se rendirent au bureau de poste principal. On n’y connaissait pas le sieur Langernault, et, en outre, la commune de Formigny avait son bureau particulier. Il fallait donc supposer, puisque les lettres portaient le cachet d’Alençon, que M. Langernault se faisait adresser sa correspondance dans cette ville, mais sous le couvert de la poste restante.

Don Luis et Mazeroux se rendirent au village de Formigny. Là non plus le receveur ne connaissait personne qui portât le nom de Langernault, quoiqu’il n’y eût à Formigny qu’un millier d’habitants.

— Allons voir le maire, dit Perenna.

À la mairie, Mazeroux exposa ses qualités et l’objet de sa visite. Le maire s’écria :

— Le bonhomme Langernault… je crois bien…, un brave type… un ancien commerçant de la capitale.

— Ayant l’habitude, n’est-ce pas ? de prendre sa correspondance à la poste d’Alençon.

— C’est ça même… histoire de faire une promenade quotidienne.

— Et sa maison ?

— Au bout du village. Vous avez passé devant.

— On peut la voir ?

— Ma foi oui… seulement… il n’y est pas rentré depuis quatre ans qu’il est sorti, ce pauvre cher homme.

— Comment ça ?

— Dame, voilà quatre ans qu’il est mort.

Don Luis et Mazeroux se regardèrent avec stupéfaction.

— Ah ! il est mort… reprit don Luis.

— Oui, un coup de fusil.

— Qu’est-ce que vous dites ? s’écria Perenna. Il a été tué ?

— Non, non, on l’a cru d’abord quand on l’a ramassé sur le parquet de sa chambre, mais l’enquête a prouvé qu’il y avait accident. En nettoyant son fusil de chasse, il s’était envoyé une décharge dans le ventre. Seulement, tout de même, au village ça nous a semblé louche.

— Il avait de l’argent ?

— Oui, et c’est là justement ce qui corsait l’affaire, on n’a pas pu dénicher un sou de sa fortune.

Don Luis resta pensif un long moment, puis il reprit :