Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/210

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trop étroite pour qu’on y pût passer, mais qui devait servir comme conduit d’aération. Par précaution, au cas où le passage secret aurait été découvert, une pierre masquait l’entrée supérieure de ce conduit. Le baron Malonesco avait dû boucher l’extrémité inférieure en réinstallant les boiseries du cabinet de travail.

Donc, il était emprisonné là, dans l’épaisseur des murs, sans autre décision bien nette que celle d’échapper à l’étreinte de la police. Des heures passèrent encore.

Peu à peu, torturé par la faim et par la soif, il tomba dans un sommeil lourd, traversé de cauchemars, si angoissant qu’il eût voulu en sortir à tout prix, mais si profond qu’il ne put reprendre conscience avant huit heures du soir.

À son réveil, il se sentit très las, et il eut subitement une perception affreuse, et à la fois si juste de la situation que, par un revirement subit où il y avait de la peur, il résolut de quitter sa cachette et de se livrer. Tout valait mieux que le supplice qu’il endurait et que les dangers auxquels l’exposait une plus longue attente.

Mais, s’étant retourné sur lui-même pour atteindre l’entrée de sa tanière, il s’aperçut, d’abord que la pierre ne basculait pas sur une simple poussée, et ensuite, après plusieurs tentatives, qu’il n’arrivait pas à trouver le mécanisme qui sans doute la faisait basculer. Il s’acharna. Tous ses efforts furent vains. La pierre ne bougeait pas.

Seulement, à chacun de ses efforts, quelques moellons se détachaient de la paroi supérieure et diminuaient encore l’espace où il pouvait évoluer.

Il lui fallut un sursaut d’énergie pour dominer son émotion, et pour dire en plaisantant :

— Parfait ! Je vais en être réduit à appeler au secours, moi, Arsène Lupin ! Oui, appeler au secours ces messieurs de la police… Sans quoi, mes chances d’ensevelissement augmentent minute par minute.

Il serra les poings.

— Cré tonnerre ! Je m’en tirerai seul. Appeler au secours ? Non, mille fois non !

De toute sa volonté il s’efforça de réfléchir, mais son cerveau exténué ne lui permettait plus que des idées confuses et sans lien les unes avec les autres. L’image de Florence le hantait, et celle de Marie-Anne également.

« C’est cette nuit que je dois les sauver, se disait-il… Et certainement je les sauverai, puisqu’elles ne sont pas criminelles et que je connais le coupable. Mais par quel moyen réussirai-je ? »