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viendrait et personne ne pouvait venir à son secours.

L’image et le nom de Florence continuaient à l’obséder. Et il pensait aussi à Marie-Anne qu’il avait promis de sauver. Mais Marie-Anne mourrait de faim. Et comme elle, et comme Gaston Sauverand, et comme tant d’autres, il était à son tour victime de cette monstrueuse affaire.

Un incident accrut son désarroi. Tout à coup, sa lampe électrique qu’il avait laissée allumée pour dissiper l’horreur des ténèbres s’éteignit. Il était onze heures du soir.

Des vertiges l’étourdissaient. Il respirait à peine, et un air insuffisant, déjà vicié. Son cerveau subissait, ainsi qu’un mal physique et très douloureux, le retour d’images qui lui semblaient s’y incruster, et c’était toujours la belle figure de Florence ou le visage livide de Marie-Anne. Et, dans son hallucination, tandis que Marie-Anne agonisait, il entendait l’explosion de l’hôtel Fauville, et il voyait le préfet de police et Mazeroux affreusement mutilés, morts.

Une torpeur l’engourdit. Il tomba dans une sorte d’évanouissement, où il continuait à balbutier des syllabes confuses :

— Florence… Marie-Anne… Marie-Anne…


XII. — L’explosion du boulevard Suchet.

La quatrième lettre mystérieuse ! La quatrième de ces lettres que « le diable mettait à la poste et que le diable distribuait », selon l’expression d’un journal ! Qu’on se rappelle la surexcitation vraiment extraordinaire du public à l’approche de la nuit du 25 au 26 mai…

Et quelque chose de nouveau portait au plus haut point ce bouillonnement de curiosité. Coup sur coup, on avait appris l’arrestation de Sauverand, la fuite de sa complice Florence Levasseur, secrétaire de don Luis Perenna, et la disparition inexplicable de ce Perenna que l’on s’obstinait, et pour de bonnes raisons, à confondre avec Arsène Lupin.

Sûre de la victoire désormais, tenant sous ses griffes presque tous les auteurs du drame, la police avait glissé peu à peu aux indiscrétions, et par les détails révélés à tel ou à tel journaliste, on connaissait les revirements de don Luis, on soupçonnait son amour pour Florence Levasseur et la cause réelle de sa rébellion, et l’on frémissait d’émotion au spectacle de cette lutte nouvelle engagée par ce stupéfiant personnage.

Qu’allait-il faire ? S’il voulait soustraire aux poursuites celle qu’il aimait, et libé-