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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/237

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qu’on est d’accord avec le meurtrier et qu’on lui tend le cou. C’est enfin que…

Il s’interrompit, comme si les phrases qu’il avait prononcées l’eussent surpris. Et les autres semblaient également déconcertés. Et de ces phrases, ils tiraient tous, sans le savoir, les conclusions qu’elles comportaient et qu’ils ignoraient encore.

Don Luis ne quittait pas le préfet des yeux et il attendait les inévitables paroles.

M. Desmalions murmura :

— Voyons, vous n’allez pas prétendre qu’il était d’accord…

— Je ne prétends rien, dit don Luis. C’est la pente logique et naturelle de vos réflexions, monsieur le préfet, qui vous amène au point où vous en êtes.

— Oui, oui, je le sais, mais je vous montre l’absurdité de votre hypothèse. Pour qu’elle soit exacte, et qu’on puisse croire à l’innocence de Marie-Anne Fauville, nous en arrivons à supposer cette chose inouïe que M. Fauville a participé au crime commis contre lui. C’est risible !

Il riait, en effet, mais d’un rire gêné et qui sonnait faux.

— Car enfin, voilà, et vous ne pouvez nier que nous n’en soyons là.

— Je ne le nie pas.

— Donc ?

— Donc, M. Fauville, comme vous le dites, monsieur le préfet, a participé au crime commis contre lui.

Cela fut dit de la façon la plus paisible du monde, mais d’un air de telle certitude que l’on ne songea pas à protester. Après le travail de déductions et de suppositions auquel il avait contraint ses interlocuteurs, on se trouvait au fond d’une impasse d’où il n’était plus possible de sortir sans se heurter à des objections irréductibles. La participation de M. Fauville ne faisait plus aucun doute. Mais en quoi consistait-elle ? Quel rôle avait-il joué dans cette tragédie d’exécution et de meurtre ? Ce rôle, qui aboutissait au sacrifice de sa vie, l’avait-il joué de plein gré ou tout simplement subi ? Qui, en fin de compte, lui avait servi de complice ou de bourreau ?

Toutes ces questions se pressaient dans l’esprit de M. Desmalions et des assistants. On ne songeait plus qu’à les résoudre, et don Luis pouvait être sûr que la solution proposée par lui était acceptée d’avance. Il lui suffisait désormais, sans craindre un seul démenti, de dire ce qui s’était passé. Il le fit brièvement, à la fa-