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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/264

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lutté, et plus d’une fois j’ai senti le souffle même de la vie qui me heurtait au visage. Et plus d’une fois, j’ai senti les dents du tigre qui cherchaient à me déchirer. Le mort a fait beaucoup, mais il n’a pas tout fait. Et, même ce qu’il a fait, fut-il seul à le faire ? L’être dont je parle fut-il uniquement l’exécuteur de ses ordres, ou bien aussi le complice qui l’aida dans son entreprise ? Je ne sais. Mais il fut certainement le continuateur d’une œuvre qu’il avait peut-être inspirée, et que, en tout cas, il détourna à son profit, acheva résolument et poussa jusqu’aux dernières limites. Et cela parce qu’il connaissait le testament de Cosmo Mornington.

» Et c’est lui que j’accuse, monsieur le préfet.

» Je l’accuse tout au moins de la part de forfaits et de crimes qu’on ne saurait attribuer à Hippolyte Fauville.

» Je l’accuse d’avoir fracturé le tiroir de la table où Me Lepertuis, le notaire de Cosmo Mornington, avait déposé le testament de son client.

» Je l’accuse de s’être introduit dans l’appartement de Cosmo Mornington et d’avoir substitué à l’une des ampoules de cacodylate de soude qui devaient servir à Cosmo Mornington pour ses piqûres une ampoule remplie de liqueur toxique.

» Je l’accuse d’avoir tenu le rôle du docteur qui vint constater le décès de Cosmo Mornington et qui délivra un faux certificat.

» Je l’accuse d’avoir fourni à Hippolyte Fauville le poison qui, successivement, tua l’inspecteur Vérot, puis Edmond Fauville, puis Hippolyte Fauville lui-même.

» Je l’accuse d’avoir armé et dirigé contre moi la main de Gaston Sauverand qui, sur son conseil et d’après ses indications, attenta par trois fois à mon existence et, finalement, provoqua la mort de mon chauffeur.

» Je l’accuse d’avoir, profitant des intelligences que Gaston Sauverand s’était créées dans l’infirmerie pour communiquer avec Marie-Anne Fauville, d’avoir fait passer à Marie-Anne Fauville la fiole de poison et la seringue qui devaient servir à la malheureuse pour mettre à exécution ses projets de suicide.

» Je l’accuse d’avoir, par un procédé que j’ignore, et prévoyant le résultat inéluctable de son acte, communiqué à Gaston Sauverand les extraits des journaux qui relataient la mort de Marie-Anne.