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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/291

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lier de Son Excellence. Son Excellence préfère que ma visite soit secrète. C’est bon signe. À propos, chers amis, quelle heure avons-nous ?

Sa question demeura sans réponse. Et, comme les agents avaient fermé les rideaux, il ne put consulter les horloges publiques.

Ce fut seulement chez Valenglay, dans le petit rez-de-chaussée que le président du Conseil habitait auprès du Trocadéro, qu’il vit une pendule.

— Sept heures et demie, s’écria-t-il. Parfait. Il n’y a pas trop de temps perdu. La situation s’éclaircit.

Le bureau de Valenglay ouvrait sur un perron qui dominait un jardin rempli de volières. La pièce était encombrée de livres et de tableaux.

Sur un coup de timbre les agents sortirent, conduits par la vieille bonne qui les avait fait entrer.

Don Luis resta seul.

Toujours calme, il éprouvait cependant une certaine inquiétude, un besoin physique d’agir et de lutter, et ses yeux revenaient invinciblement au cadran de la pendule. La grande aiguille lui semblait animée d’une vie extraordinaire.

Enfin quelqu’un entra, qui précédait une autre personne.

Il reconnut Valenglay et le préfet de police.

— Ça y est, pensa-t-il, je le tiens.

Il voyait cela à l’espèce de sympathie confuse que l’on pouvait discerner sur le visage osseux et maigre du vieux président. Aucune trace de morgue. Rien qui élevât une barrière entre le ministre et l’équivoque personnage reçu par lui. De l’enjouement, une curiosité manifeste et de la sympathie. Oui, une sympathie que Valenglay n’avait jamais cachée, et dont même il se targuait lorsque, après la mort simulée d’Arsène Lupin, il parlait de l’aventurier et des rapports étranges qu’ils avaient eus ensemble.

— Vous n’avez pas changé, dit-il après l’avoir considéré longuement. Plus noir de peau, les tempes un peu plus grisonnantes, voilà tout.

Et il demanda, d’un ton de brusquerie, en homme qui va droit au but :

— Et alors, qu’est-ce qu’il vous faut ?

— Une réponse d’abord, monsieur le président du conseil. Le sous-chef Weber, qui m’a conduit au Dépôt cette nuit, a-t-il retrouvé la piste de l’automobile qui emporta Florence Levasseur ?