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Page:Leblanc - Les Dents du Tigre, paru dans Le Journal, du 31 août au 30 octobre 1920.djvu/302

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» Ce qui se passa fut l’affaire de quelques secondes. Le chef à son tour se mit à rire comme j’avais ri, d’un rire sarcastique. Pour lui, dans le désordre de sa cervelle, ces deux revolvers dont je le menaçais, ne devaient pas et ne pouvaient pas avoir plus d’effet que les armes inutiles qui m’avaient épargné. Il ramassa un gros caillou, et leva la main, prêt à me le jeter à la figure. Et ses deux acolytes en firent autant. Et tous l’eussent également imité…

» — Bas les pattes, ou je tire ! criai-je.

» Le chef lança son caillou.

» Je baissai la tête. En même temps trois détonations retentirent. Le chef et ses deux acolytes tombèrent foudroyés.

» — Le premier de ces messieurs ? demandai-je en regardant le reste du troupeau.

» Il restait quarante-deux Marocains. J’avais encore onze balles. Comme ils ne bougeaient pas, je passai un de mes revolvers sous le bras, et je sortis de ma poche deux petites boîtes de cartouches, c’est-à-dire cinquante autres balles.

» Et de ma ceinture j’extirpai trois beaux coutelas effilés et pointus.

» La moitié de la troupe fit le signe de la soumission et se rangea derrière moi.

» La seconde moitié capitula aussitôt.

» La bataille était finie. Elle n’avait pas duré quatre minutes. »

XVII. — Arsène Ier, empereur.

Don Luis se tut. Un sourire amusé plissa ses lèvres. L’évocation de ces quatre minutes semblait le divertir infiniment.

Valenglay et le préfet de police, deux hommes pourtant que le courage et le sang-froid n’étonnaient guère, l’avaient écouté et le considéraient maintenant dans un silence confondu. Était-il possible qu’un être humain poussât l’héroïsme jusqu’à ces limites invraisemblables ?