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— Et vous dites qu’il m’a laissé une lettre ? fit M. Desmalions d’un air soucieux. Où est-elle ?

— Dans le dossier, monsieur le préfet.

— Bizarre… tout cela est bizarre. Vérot est un inspecteur de premier ordre, d’un esprit très rassis, et s’il s’inquiète ce n’est pas à la légère. Ayez donc l’obligeance de me l’amener. Pendant ce temps-là, je vais prendre connaissance du courrier.

Le secrétaire s’en alla rapidement. Quand il revint, cinq minutes plus tard, il annonça, d’un air surpris, qu’il n’avait pas trouvé l’inspecteur Vérot.

— Et ce qu’il y a de plus curieux, monsieur le préfet, c’est que l’huissier qui l’avait vu sortir d’ici l’a vu rentrer presque aussitôt, et qu’il ne l’a pas vu sortir une seconde fois.

— Peut-être n’aura-t-il fait que traverser cette pièce pour passer chez vous.

— Chez moi, monsieur le préfet ? Je n’ai pas bougé de chez moi.

— Alors c’est incompréhensible…

— Incompréhensible… à moins d’admettre que l’huissier ait eu un moment d’inattention puisque Vérot n’est ni ici ni à côté.

— Évidemment. Sans doute aura-t-il été prendre l’air et va-t-il revenir d’un instant à l’autre. Je n’ai d’ailleurs pas besoin de lui dès le début.

Le préfet regarda sa montre.

— Cinq heures dix. Veuillez dire à l’huissier qu’il introduise ces messieurs… Ah ! cependant…

M. Desmalions hésita. En feuilletant le dossier, il avait trouvé la lettre de Vérot. C’était une grande enveloppe de commerce jaune, au coin de laquelle se trouvait l’inscription : « Café du Pont-Neuf. »

Le secrétaire insinua :

— Étant donné l’absence de Vérot et les paroles qu’il m’a dites, je crois urgent, monsieur le préfet, que vous preniez connaissance de cette lettre.