Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/143

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L’épanchement définitif survint. Elles confessèrent des peccadilles factices, énumérèrent les déclarations qu’elles avaient provoquées, décrivirent les attitudes, les pleurs, les joies, les délicatesses de leurs prétendants. Elles mettaient à s’avilir une réelle ardeur. Chacune d’elles eut une piètre opinion de sa compagne.

Elles se virent régulièrement, toujours à l’insu de leurs maris, ce qui les contraignait à multiplier les ruses et à se débattre au milieu d’inextricables complications. Elles vécurent en pleine fourberie, naturellement, sans effort ni dégoût, comme si jamais elles n’eussent vécu d’autre manière.

Un jour deux messieurs les suivirent. Elles les traînèrent longtemps après elles, sous prétexte de s’en moquer, et elles allaient de droite et de gauche, la tenue mauvaise, la parole bruyante. Toute une semaine le même manège recommença. On se jetait des regards effrontés. On marchait sur le même trottoir. Puis une fois, elles entrèrent chez un pâtissier. Ils y pénétrèrent également et, s’adressant aux jeunes femmes comme à des dames déjà connues, ils leur offrirent à goûter. Ils semblaient bien élevés, elles acceptèrent. On passa dans une pièce voisine. Ce fut très gai.

Ainsi, avec une stupéfiante rapidité, se désagrégeait leur vertu. Impeccables jusqu’ici, elles se hâtaient vers l’infamie comme vers un bonheur à conquérir. Elles brûlaient les étapes, elles couraient malgré leurs pieds pesants de boue, elles galopaient dans les ornières, haletantes, les yeux fermés, sans même soupçonner l’effroyable abîme qui s’ouvrait devant elles.