Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/189

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supplice que Verania fût déshabillée, et impudique, et nue, et que ce fût lui, lui l’amant, qui la jetât aux désirs des hommes, à la concupiscence de la foule ! Il lançait des regards de haine aux passants. Que l’un d’eux s’arrêtât, il marchait plus vite, trottait et sautait entre les deux brancards pour que les cahots du pavé fissent l’image moins nette.

Des nuits, il monta la garde à la porte du hangar où reposait sa maîtresse. Si quelque amoureux pénétrait auprès d’elle !

L’excès de souffrance abolit sa raison. Il s’en allait seul avec Verania et se perdait dans les rues désertes. On parla de lui retirer sa voiture.

Ce fut l’affolement. Un autre posséder la bien-aimée ! Il l’eût étranglé !

Et, un soir, il ne rentra pas. Il emmenait son idole. Et, les nuits, il marcha. Et les jours, il se cacha au fond des bois. Il tendait aux lèvres de l’adorée des racines, et des glands, et des fruits. Il la revêtait de ses habits. Il la lavait aux sources pures. Il la séchait avec des feuilles. Et il l’embrassait, il l’embrassait désespérément.

MAURICE LEBLANC