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Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/64

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Le ventre grossit. La dernière espérance de mademoiselle Lebaudru s’effondra. L’œuvre maudite s’accomplirait jusqu’au bout. Oh ! ce ventre ; elle en suivit durant des semaines le détestable progrès. Ses yeux ne s’en pouvaient détacher.

Et d’autres pensées aussi la hantaient. À voir l’effet elle se souvenait de la cause, de l’acte commis, l’acte dont elle avait surpris le dénouement. Malgré sa révolte, une comparaison s’imposait à son esprit entre elle-même et cette bête. Léda savait maintenant. Elle, non. Léda connaissait le mystère, le mystère troublant où se scelle l’amour des êtres, le mystère incompréhensible où s’élabore la vie d’autres êtres. Elle, ne le connaissait point, ne le connaîtrait jamais. Et, pour cela, elle la regardait parfois d’un regard étonné, où se cachait peut-être un peu d’envie inconsciente, où se révélait, assurément, une certaine déférence.

Mais ces rêveries malsaines ne se prolongeaient guère. Un incident futile, une allusion quelconque à l’état de la chienne, lui rendaient plus vivaces encore sa colère et son mépris.

Ce fut en vérité une bien triste époque. Et la destinée lui enseigna, durement et d’un coup, toutes ces douleurs dont elle ignorait l’amertume jadis.

La délivrance eut lieu en juillet. Une nuit, Angélique entendit une plainte. Elle se leva. Cela venait d’en bas. Elle tressaillit de haine. Des preuves, des preuves visibles et palpables du crime allaient donc se produire !

Les gémissements s’interrompaient, puis reprenaient. Elle aurait voulu les étouffer pour que le bruit n’en arrivât