Page:Leblanc - Les Heures de mystère, paru dans Gil Blas, 1892-1896.djvu/65

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pas à l’extérieur. Elle attendit, la poitrine haletante. Nulle compassion ne l’envahissait, nul besoin de secourir la malade. Elle l’abhorrait trop profondément !

Au matin tout s’apaisa. Angélique se vêtit, calme, résolue. L’heure solennelle du châtiment sonnait. Le fruit du crime devait disparaître.

Elle descendit. D’un pas ferme, avec la lenteur grave du justicier elle ouvrit la chambre de misère.

Sur un coussin, Léda gisait, harassée. Près d’elle, le long de ses jambes, de petites choses remuaient. Impassible, Angélique s’agenouilla devant ces nouveaux-nés. Elle les compta. Il y en avait quatre.

Un à un, elle les prit et se releva. Mais soudain ses doigts se mirent à trembler. Ses yeux avaient rencontré les yeux de la mère, Et en même temps elle sentait dans la paume de ses mains la chaleur douce de ces morceaux d’être. Et elle se rappela la sensation analogue qu’elle avait autrefois éprouvée à pétrir les menus membres de Léda.

Tout son cœur se fondit. Une infinie pitié la désarmait, pitié pour les souffrances de la chienne, pitié pour les fragiles enfants, pitié pour sa vieille compagne. Elle comprit que les préjugés du monde ne sont rien devant les manifestations de la nature. Elle comprit que la maternité est chose sainte. Et son âme de grande sœur, son âme de grand’mère tressaillit de dévouement et d’amour.

Alors, elle éclata en pleurs et, retombant à genoux, elle posa sur la tête de Léda le baiser de pardon, tandis que son