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Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/41

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Hors du mensonge



Il y avait là vraiment les causes les plus puissantes d’intimité, l’étroitesse du salon, la gaieté du feu, la lumière calme de la lampe, et surtout, ce qui rend l’intimité chaude, délicieuse, confiante, naturelle, la présence de ces trois êtres, le mari, la femme et l’amant.

En face de la cheminée, dans un fauteuil confortable, les pieds sur les chenets, M. Moresnil, gros homme fort, à l’encolure énorme, à l’aspect commun. À gauche, Louise, sa femme, jolie blonde, souple et inquiétante. À droite, leur ami Raoul, tout jeune, les joues pâles, la silhouette délicate.

Ils n’échangeaient que peu de paroles. En réalité, ils attendaient quelque chose, un fait qui se produisait chaque soir. Et ce fait se produisit. M. Moresnil ferma les paupières. Un souffle régulier souleva sa large poitrine. Sa tête branla de côté et d’autre.

Alors Louise et Raoul se regardèrent tendrement. Leurs yeux ne se quittèrent plus. Et ils se disaient ainsi toutes les tristesses et toutes les joies dont tressaille le cœur de ceux qui s’aiment. Une heure s’écoula. Enfin Raoul sortit de sa poche un billet et le ten-