Page:Leblanc - Les Lèvres jointes, paru dans Le Journal et La Lanterne, 1897-1901.djvu/81

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une petite blessure dont ils ne pouvaient ignorer l’amertume croissante. Qu’éprouvaient-ils ? Ils n’auraient su le dire tout d’abord, une inquiétude confuse, le malaise peut-être qui suit l’accomplissement de nos plus beaux rêves. La réalité les avait-elle donc déçus ?

La seconde nuit se passa de manière étrange. Pierre dévêtit Mathilde avec la même exaspération amoureuse, mais il s’arrêta comme la veille et, cette fois, il joignit les mains et s’agenouilla devant le corps dévoilé. C’était un spectacle incomparable. Il n’avait jamais imaginé des lignes plus pures, une beauté plus radieuse et plus absolue. Ses yeux en apprenaient les grâces diverses. Et il les disait en louanges étonnées, balbutiantes, comme s’il eût cherché des mots nouveaux pour ces splendeurs nouvelles.

Elle l’écoutait et le regardait, heureuse et fière. Du temps s’écoula. Il ne la toucha point. Ils s’endormirent sans un baiser.

Au matin, leur jeunesse les rapprocha. Ils eurent la même impression décevante, précise maintenant, si précise qu’il leur fallut bien l’attribuer au fait. même de leur étreinte. Et, les jours suivants, le mal se répéta. Le moindre contact le déterminait. Toute caresse l’aggravait. Ils n’en discernaient pas la cause obscure, mais ils devaient reconnaître la misère de leurs sensations. L’assouvissement ne répondait pas à l’élan de leurs désirs. Et, même, ces désirs en vinrent à se manifester de façon timide, gauche, moins fréquente. Pourquoi ?