Page:Leblanc - Les Milliards d'Arsène Lupin, paru dans L'Auto, 1939.djvu/116

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fle du vent s’embarrassaient dans l’écheveau livide des intestins dévidés.

Lupin saisit le petit cadavre par les oreilles, et le brandissant comme un trophée le montra à ses hommes, en s’écriant :

« Tenez, regardez, voilà la bête fauve qu’ils ont forcée dans leur chasse à courre. »

L’un des hommes examina la bête morte et déclara :

« Sapristi, c’est le cabot à la Belle au bois dormant !

— Quoi ? La Belle au bois dormant ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

— Mais oui, la dame qui dort depuis un siècle dans le château abandonné !

— Quel château ?

— Le château des Corneilles, là, dans les bois, après le promontoire.

— Et il y a une dame qui dort depuis un siècle ? Tu dérailles ! C’est un conte de fée.

— J’en sais rien. Paraît qu’il y a une dame qui dort…

— Tu la connais ?

— Personne ne la connaît. Mais j’ai interrogé les gens du village qui m’ont dit ça… on en parle beaucoup dans la région.

— Qu’est-ce qu’on raconte ?

— Que son grand-père, au temps de la Révolution, a participé à la condamnation de Louis XVI et de la famille royale. Alors, en expiation, elle a vécu dix ans à genoux devant le calvaire aux Corneilles et, depuis, elle dort.

— Seule dans ce château ?

— Seule.

— Pourtant elle mange, elle boit !…

— On ne sait pas.

— Elle se promène ?

— Quelquefois elle va au village, mais ceux qui l’ont rencontrée savent très bien qu’elle ne se réveille pas et qu’elle dort en marchant, tout en ayant les yeux ouverts, des yeux comme ceux des somnambules qui regardent sans voir… Moi, je ne l’ai pas rencontrée, mais la chose est certaine… »

Horace Velmont demeurait pensif. Il conclut :

— J’irai tantôt m’excuser auprès d’elle de la mort de son pauvre caniche. Où est-il, exactement, le château ?