Page:Leblanc - Les Milliards d'Arsène Lupin, paru dans L'Auto, 1939.djvu/17

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âpre et solitaire où tous ses élans d’enfant avaient été durement réprimés. Elle avait grandi dans le seul désir de devenir le plus vite possible indépendante. Elle achevait ses études quand sa parente était morte, lui laissant à peine de quoi subsister quelques semaines. Mais Patricia était courageuse, le travail l’attirait ; elle était bonne dactylographe et avait rapidement conquis une place modeste, suffisante pourtant puisque c’était la vie assurée.

Alors, Patricia avait rencontré, dans une société où elle allait parfois le samedi soir, Henri Mac Allermy. Il était fort jeune lui aussi, il était beau, il semblait sincère et passionné… Il avait courtisé la jeune fille isolée, séduisante, naïve… Et Patricia, enthousiaste, tout enivrée du désir de vivre et d’être heureuse, sans rien savoir d’autre que l’entraînement de cet amour qui la sollicitait, avait cédé, frémissante de confiance et d’espoir… Quelques mois de bonheur, et puis les infidélités, l’abandon, la rupture brutale, cynique, déchirante pour elle… Déchirante surtout par l’affreuse amertume de devoir à présent mépriser celui qu’elle avait tant aimé — qu’elle aimait peut-être encore…

Mais l’enfant qui venait de naître avait été le lien nouveau rattachant la jeune femme à la vie. Patricia avait mis dans son fils, au berceau, tout son espoir d’avenir. N’attendant plus pour elle-même rien de l’existence, elle avait farouchement concentré sur le petit Rodolphe toutes ses forces d’amour et d’ambition. Il serait sa vivante revanche contre le père qui l’avait trahie ; elle ferait de lui l’homme sincère et noble qu’elle avait cru voir en Henri Mac Allermy… Encore enfant elle-même, elle ne serait plus que mère…

Et puis le temps avait passé, dégageant la jeune femme du mauvais passé, lui redonnant le goût de vivre. Mais la volonté de faire de son fils un homme digne des plus hautes destinées demeurait sa grande raison de vivre… Et, main-