Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/10

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elle réunissait les conditions requises : la différence d’âge réglementaire, l’égalité des fortunes et des situations sociales. Puis elle attestait que, chez lui, on s’épouse par caprice, au besoin. Il en savait gré aux deux jeunes gens, et les couvait d’un œil attendri. Leur intrigue dénotait l’existence d’un sentiment joli, aimable, gracieux, non suspect d’exagération passionnée, ce qui eût paru choquant. C’était juste la dose de poésie permise, assez pour troubler deux cœurs, pas assez pour les bouleverser.

On en causait beaucoup, à la Bourse, au Palais, au cercle, au café, dans les salons surtout. Les visites du jour de l’An furent consacrées en grande partie à cette question palpitante.

— Vous savez, c’est un mariage d’inclination, s’écriaient ces dames, d’une voix ravie, sans risquer toutefois le terme amour, presque déplacé en semblable circonstance.

Quelques mères, à la recherche d’un gendre, tentèrent bien d’interrompre ce concert d’éloges, en insinuant :

— Il est fâcheux que cela traîne en longueur… la réputation de Mlle Ramel n’en peut que pâtir.

On étouffa leurs critiques. Les personnes sensées colportaient :

— Qu’ils ne se pressent donc pas, ils ne seront que trop tôt aux prises avec les réalités de la vie.