Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/114

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Revenue de sa défaillance, Lucie sortit la tête hors de la voiture et respira longuement. À gauche, elle aperçut une borne kilométrique. Elle lut : « Rouen, 6 kilomètres. » Au même moment Richard tirait sa montre :

— Cristi, déjà quatre heures ; tu m’excuseras, chérie, je n’ai que le temps.

Il fouetta sa bête et l’on partit. L’étreinte ayant dissipé leur embarras, ils eurent une crise d’expansion. Il raconta des anecdotes de sa vie errante, des histoires de femmes, de bonnes grosses farces de paysans. Elle, les bras autour du bras de son amant, les mains jointes sur sa main, la joue sur son épaule, parla de son mariage. Et, sans raison, par un besoin naturel, elle débita des mensonges. En toute sincérité elle se plaignit du caractère odieux et des façons brutales de son mari. Puis elle décrivit les passions fabuleuses qu’elle avait inspirées, arrangea son aventure avec Lemercier, et fit si bien que Richard se dit :

— Eh bien, vrai ! moi qui me flattais d’être le premier ! Quelle mâtine !

À intervalles fixes ils estimaient convenable de se donner des marques de leur affection. Ils échangeaient d’ardents baisers et Amédée répétait :

— Ma Lucie, ma petite Lucie, comme je t’aime !