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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/117

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— Deux mots, s’écria-t-elle haletante, j’ai deux mots à te dire.

Elle se planta devant lui :

— Regarde-moi, tu ne devines pas ?

— Non, fit-il, interdit.

Alors, elle articula posément, fièrement :

— Mon cher, aujourd’hui sept mai, à quatre heures, en pleine Forêt-Verte, à six kilomètres de Rouen, j’ai eu un amant !

Cet aveu calma son exaltation. Elle rentra chez elle, sereine et apaisée. Entendant des cris dans la chambre de l’enfant, elle s’y rendit. René pleurait. Elle le consola et le fit jouer quelques minutes comme de coutume.

Au dîner, elle mangea de bon appétit. Ses gestes étaient aisés, son maintien paisible, son visage franc. Mais un tel bonheur se dégageait de ses yeux, des trous de ses fossettes, de l’éclair de ses dents, de l’harmonie parfaite de ses mouvements, que Robert lui-même en fut imprégné.

On servit le café de monsieur. Elle y trempait toujours un morceau de sucre. Il l’attira sur ses genoux et dit :

— C’est un plaisir de te voir !

Elle lui saisit la tête et riva ses yeux aux siens. Une chose la déroutait. Elle s’attendait à ce que son mari lui parût ridicule, et elle ne découvrait rien qui justifiât ses prévisions. Pourtant quel bouleversement dans cette vie !