Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/118

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Entre ce repas et le précédent un fait s’était produit qui changeait irrévocablement cet homme en un homme nouveau. Il aurait dû ne pas être le même que jadis, du moins ne pas lui sembler tel. Mais, malgré ses efforts et son envie, l’impression qu’elle recevait de lui ne différait pas de l’ancienne impression.

À la fin, il l’interrogea :

— Qu’est-ce que tu as à me lorgner ainsi ?

Elle réfléchit et prononça d’une voix convaincue :

— Je suis heureuse.

Ils bavardèrent. Lucie causait avec gravité. Parfois, néanmoins, pour une boutade de Robert, pour un mot, il lui échappait un rire fou, saccadé, interminable. Elle suffoquait.

Chalmin travaillant à son bureau, elle monta seule. Sa gaieté redoubla. Elle jetait ses affaires au hasard, sur les meubles, sur le tapis, au plafond, d’un bout à l’autre de la chambre. Son corset se suspendit à un candélabre. Sa chemise, en tampon, glissa derrière un fauteuil. Puis, soudain sérieuse, disposant sa glace à la lueur de plusieurs bougies, elle se contempla, selon son habitude.

Cette fois, elle se trouva plus belle encore. Sa peau avait une blancheur inusitée, la ligne de ses jambes plus de moelleux, sa gorge plus d’ampleur. Elle examinait, elle palpait curieuse-