Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/135

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de quelques scrupules confus dont il s’était d’ailleurs vite débarrassé, il se reprochait sa délicatesse comme d’autres leurs crimes. Il lui demanda :

— Tu l’aimes, ce monsieur ?

Elle repartit, toujours nonchalante :

— Pourquoi pas ! Il est bel homme, instruit, spirituel… et jeune, lui !

Il courba la tête :

— C’est vrai, moi, je suis vieux, et les vieux, ça ne compte pas… Et pourtant, ajouta-t-il tristement, moi je t’aime comme pas un d’eux ne t’aime… et depuis bien des années !

Durant une semaine elle ne le revit point. Il reparut, puis disparut encore. Elle apprit qu’il voyageait.

Mme Chalmin prépara son départ pour les bains de mer plusieurs jours auparavant. La conduite de Danègre la déroutait. Elle ignorait ses intentions. S’écriraient-ils ? Se retrouverait-on à Dieppe, ou seulement au retour ? Mais l’aspect des malles éparses, des casiers gonflés, des tiroirs vides, tout ce désordre qui annonçait la séparation immédiate, ne purent rompre son silence.

Alors, la veille, s’armant de courage elle l’apostropha :

— C’est demain que je m’en vais, tu sais, tu n’as rien à me recommander ?