Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/158

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— Je suis fou, fou de t’aimer !

— Pourquoi êtes-vous fou, parrain ? minaudait-elle. (Elle ne le tutoyait jamais, ne pouvant point, ce qui le désolait.)

— Parce que tu ne m’aimes pas, que tu ne peux pas m’aimer, parce que je ne sais pas, et que tu ne sais pas toi-même ce qui se passe dans ton cerveau, parce qu’un jour tu me jetteras à la porte, et que je resterai, moi, aussi avide de toi.

Ils parlaient beaucoup. Leur conversation emprunta même une certaine gravité à un incident fâcheux.

Un vendredi, M. Bouju-Gavart arriva la figure décomposée. Tout de suite il articula :

— Voici. Je viens de la Bourse. Des amis m’ont entraîné au café. Nous étions une dizaine, autour de deux tables. On a causé femmes. Soudain à la table voisine, j’ai entendu quelqu’un de nous qui disait à mi-voix : « Il y a la petite Chalmin à qui on donnerait le bon Dieu sans confession. Pourtant, à Bernay, la semaine dernière, j’ai déjeuné avec un nommé Amédée Richard, un commis voyageur en bouchons, qui m’a déclaré l’avoir eue comme maîtresse, après un jour de poursuite en pleine rue.

Elle bondit :

— Et vous ne l’avez pas giflé ?

— Mais puisque ce M. Richard affirme…