Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/162

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peut dire : « Voilà, ça y est. » Mais on commence à jaser. Ton nom amène des sourires discrets, on prend des airs entendus : « Eh, eh, qui sait ! » Ce n’est pas un bruit qui circule, un potin accepté dont on s’amuse, ce sont des pointes lancées de place en place, des méchancetés isolées. Il suffit d’un rien pour que tout fasse corps. Dans ce cas, tu es perdue.

Elle l’écoutait attentivement, sentant la gravité de ses paroles.

— Est-ce qu’on sait, pour vous ?

— Non, mais ta présence continuelle chez Markoff a été mal interprétée.

Il continua avec bienveillance :

— Voyons, petite, veux-tu te mettre à dos toute la ville par un tas de bravades absurdes, ou préfères-tu, au moyen de quelques concessions adroites, concilier tes plaisirs et ta considération ?

— Dame, le choix est facile.

— Alors, il s’agit de réparer immédiatement tes torts. À Rouen, vois-tu, comme partout en province, le monde est le grand dispensateur des réputations. Certes, il est bête, mauvais et hypocrite. Mais tu as besoin de son estime et il faut que tu plies devant lui, sinon il te brisera, car il est le plus fort. Il vaut mieux ici être une femme coupable qui se soumet extérieurement aux usages et aux préjugés, que d’être une