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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/171

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Lucie respira. Une sorte de calme la remplissait. Mme Bouju-Gavart ne l’effrayait guère. Même une certaine animosité, un besoin d’agression vaniteuse, lui fit prononcer :

— Du moment que mon mari ignore tout, peu m’importe !

Elle attendit, avide d’une querelle et craintive à la fois. Nulle réplique ne venant, elle se sentit mal à l’aise sous le regard loyal qui la scrutait. À son tour elle désira gêner son interlocutrice. Comme par distraction elle ouvrit le haut de sa chemise et montra sa poitrine.

Mme Bouju-Gavart reprit :

— Tu as raison de ne pas me craindre, et la preuve en est que je ne te menace point, je te supplie.

Elle se pencha vers la maîtresse de son mari, croisa la chemise et, se relevant, dit fièrement :

— J’ai été plus belle que toi, petite, beaucoup plus belle, et je puis l’avouer, j’ai été certes plus aimée, et d’une façon plus désintéressée, car je ne permettais aucun espoir. J’aurais pu succomber, je n’avais pas un mari probe et honnête comme le tien. Le mien déjà m’abandonnait, et j’ai souvent eu près de moi des affections sincères où me rattacher.

Elle s’inclina, et d’un ton de confidence :

— Écoute ma confession, Lucie, tu la redi-