Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/173

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D’un ton plus fort où vibrait un ordre, elle insista :

— Pourquoi ? Pourquoi ? L’aimes-tu ?

Lucie cherchait, confuse. Pourquoi ? Elle n’en savait rien. Pourquoi parrain, pourquoi les autres ? Qu’en savait-elle ! Elle tenta de démêler la vérité parmi le tumulte de son cerveau. Mais dans ce chaos sombre où jamais n’avait plongé son œil, elle ne put rien discerner qu’un enchevêtrement d’idées vagues, un fouillis de sensations et de désirs étranges. Du moins, elle eût voulu alléguer quelque raison péremptoire. Elle n’en découvrit point. Désespérée, elle fondit en larmes et s’abattit sur sa vieille amie.

Elle suffoquait, ainsi qu’un enfant qui perd haleine à force de sangloter. Il lui échappait, coupées par un hoquet, des phrases incohérentes, inachevées, où revenait indéfiniment le mot : « Pardon, pardon. » Comme un enfant aussi, elle le disait, ce mot, avec une intonation de repentir naïf qui semblait signifier : « Je ne le ferai plus, je ne recommencerai plus, je vous l’assure. »

Ses joues ruisselaient de pleurs. Elle avait un de ces gros chagrins qui éclatent sans souffrance vraie, plutôt par une détente des nerfs, et qui se résolvent, après la crise, en un état de béatitude très agréable. Tout lui paraissait s’é-