Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/179

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Dehors, en pleine après-midi, Mme  Chalmin hésita. Où aller ? Sa maison ne l’attirait guère. Elle en partait d’ordinaire à ce moment pour rejoindre M. Bouju-Gavart. Cette fin de journée à traverser lui infligea un certain effroi. Somme toute, elle n’était point préparée à un changement d’existence aussi radical. Au hasard elle enfila des rues.

Le ciel, un ciel brumeux de mars, comprimait la ville morne et s’égouttait en humidité sur les toits et sur le pavé boueux. Des gens marchaient, l’aspect grelottant. De place en place dansait un fiacre attelé d’un cheval triste. Lucie frissonna. Son enthousiasme s’évanouissait à mesure que le froid pénétrait son corps et que l’occasion de se sacrifier devenait plus problématique.

Elle songea que M. Bouju-Gavart l’attendait. Un problème se dressa, terriblement ardu. En définitive, son devoir ne lui dictait-il pas une démarche auprès de parrain ? Quel miracle, si elle pouvait l’arracher au mal !

L’idée d’un feu clair la sollicitait vivement aussi. Mais elle résista, craignant la prétendue brutalité dont elle l’avait accusé.

Alors un immense ennui l’accabla, alanguit ses pas, arrondit ses épaules. Elle parcourut les quais, puis se réfugia dans une pâtisserie de la rue Grand-Pont.