Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trompait pas par lassitude des sens ou du cœur, mais parce que l’ennuyait la monotonie d’un seul regard.

Certaines défectuosités de lignes avaient pu quelquefois refréner ses instincts. Aujourd’hui, de ses stations devant la psyché, elle concluait à son impeccable perfection, et la quasi fidélité qu’elle gardait à ses amants ne convenait plus à la violence de ses appétits. Les années s’accumulaient, bientôt sonnerait la trentième. Elle atteignait au point culminant de sa carrière féminine. Sa jeunesse s’épanouissait. Nulle défaillance n’abîmait ses seins. Les épaules s’étaient élargies, les jambes, plus grasses, étaient mieux proportionnées à l’évasement des hanches. Un réseau de veines très bleues se déployait sur sa gorge bombée. Une sève ardente gonflait sa chair. Ne devait-elle pas marquer cette période de suprême beauté par une abondante moisson de suffrages ?

Elle avait conscience des trésors dont elle disposait et ne demandait bénévolement qu’à les séparer entre d’innombrables élus. Un sentiment de devoir s’ajoutait même à ses bontés : elle détenait une source de bonheur, l’accaparerait-elle pour ses seuls yeux et pour les yeux grossiers de son mari, sans accorder leur part légitime à ceux qui la recherchaient ?

De ce festin charitable, ne furent exclus ni