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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/267

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l’indigent, ni le laid, ni le disgracieux. Jamais l’idée d’un refus ne l’envahit.

Concurremment donc avec ses visites de janvier, avec les bals et les dîners, avec toutes les charges qu’entraînait sa situation sociale, ses charges de mondaine, d’épouse, de fille et de mère, elle reprit ses pérégrinations à travers la ville. Mais elle évita ses anciennes flâneries de femme inoccupée, ces allures louches qui éveillent l’attention. Elle portait un paquet sous le bras, comme une personne qui sort d’un magasin, et elle marchait vite, comme si elle se fût dirigée vers un but déterminé. La simplicité de sa mise touchait presque à l’excès. Elle semblait en demi-deuil. Elle cheminait à petits pas, le coude gauche serré à la taille, son parapluie en biais sur le bras, la main droite relevant la jupe.

Elle explora Rouen en détail. Tel jour elle faisait tel quartier, le lendemain tel autre, et elle recommençait sans relâche. Trente mois durant, elle exerça ce métier. Et elle n’eut pas à s’en plaindre. Sa récolte de joies et de satisfactions fut abondante, ses chagrins nuls.

La plupart de ces chutes n’eurent rien que de banal ; plusieurs cependant se distinguèrent par quelque côté pittoresque, quelque circonstance intéressante.