Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dures et piquantes, bordées d’un liséré jaune. Un misérable cactus, la plante-paria, vilain, terrifiant, pitoyable, se tordait à terre comme un supplicié.

Partout fusaient ou s’élargissaient des palmiers de toutes sortes. Devant elle, sur l’allée, ils alternaient avec des arbres étranges, récemment étêtés, entièrement nus, à silhouette de monstre mythologique. Du sommet même du tronc, un tronc velouté, couleur loutre, s’échappaient en gesticulant d’innombrables bras, pareils à des tentacules de pieuvre, des bras biscornus, tortueux, dénués de main, mais terminés par de petits doigts trapus et sans phalanges.

La voix de sa mère la tira de sa torpeur. Mme  Ramel rangeait la chambre et vidait les malles en compagnie de la bonne. Elle cria :

— Tu n’as pas froid, Lucie ?

— Oh ! non, maman, le soleil est brûlant, et puis l’air est délicieux.

Elle le humait à grandes aspirations, cet air du Midi, d’un goût si spécial, d’une odeur si fraîche, cet air qui semble l’haleine de la mer, et qui mêle à la brise du large les parfums cueillis aux citronniers et aux orangers. Elle le buvait comme un breuvage dont le gosier se réjouit. Elle en emplissait sa poitrine malade. Elle s’en lavait le visage. Elle en humectait ses membres las. Elle dit à sa mère :