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Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/346

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être délivrée. Dis-moi, t’ai-je rendu heureux, mais là, absolument heureux ?

Il répéta d’un ton grave :

— Entièrement heureux, Lucie, pas une minute de ma vie je n’ai regretté notre union.

Cette affirmation ne l’absolvait-elle pas ? Car enfin, qu’avait-elle atteint, par sa faute, en lui ? Son nom ? Intact. Sa fortune ? Quadruplée. Son bonheur ? Inaltérable, il l’avouait lui-même. La mauvaise conduite d’une femme, si elle parvient à la dissimuler, ne porte préjudice qu’à elle seule. Un mari n’est pas déshonoré tant qu’on l’ignore.

Elle s’empêtra peu dans d’aussi puérils scrupules.

Elle sortait constamment avec Mme Ramel qui l’entraînait à l’église. Elle s’y asseyait et ne priait point. Mais le repos de la nef déserte l’enveloppait. Et elle s’assoupissait, tandis que se courbait dévotement le dos de sa mère. À la fin cependant, ces longues stations dans la demi-obscurité, dans le silence qui suinte des voûtes et des piliers, la pénétrèrent de recueillement. Elle marmotta les prières qu’inspirent ces endroits saints. Ses apparences pieuses ne furent pas sans profit. Elle y gagna un surcroît de considération.

Des mois encore vinrent. Elle s’embourgeoisa. Ses idées se rétrécirent. Son cerveau se