Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/67

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

portait pas aux bravades inutiles : dans la côte, sa forfanterie se calma. D’ailleurs, pourquoi la révolte ? Il est si facile d’abuser les autres. Elle sourit en songeant à la crédulité de Robert. Et elle se sentit très forte contre le monde, avec sa dissimulation, avec ses yeux d’ingénue, avec toute sa perfidie de femme. Ainsi engagée la victoire lui resterait.

Puis, soudain, elle s’aperçut de la niaiserie de ses projets. Était-elle coupable ? Pouvait-on lui faire un crime de cette vague déclaration qu’elle n’avait même pas provoquée ? L’entière responsabilité en incombait à M. Bouju-Gavart.

Cette pensée la ramena vers lui, et elle revit distinctement celui qui l’aimait. Elle repoussa sans peine l’idée fâcheuse de sa vieillesse, redevant trop de gratitude à l’amoureux pour le punir de ce défaut, et l’homme lui étant trop indifférent pour qu’elle se souciât de son âge. Mais sa dépravation l’indignait.

Depuis leur rencontre dans la forêt, un étonnement persistait en elle. L’inconduite de son parrain choquait sa manière de juger les choses et les personnes. « S’il agit de cette façon, se disait-elle, d’autres agissent de même, d’autres sont adultères. » Elle prononçait tout haut : « Adultère… adultère… » comme si elle eût voulu se familiariser avec ce mot jadis si terrifiant. L’infidélité lui sembla un fait constant,