Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/69

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verte, au domicile de son parrain. La présence de Mme  Bouju-Gavart la déconcerta. Elle n’avait pas réfléchi à cette rencontre, pourtant inévitable. Elle l’entendit qui disait :

— Je ne veux pas te gronder, petite, quoique ce soit bien mal de m’avoir oubliée si longtemps.

Et elle crut démêler une allusion clairvoyante dans l’intonation triste de cette phrase. Elle ne répondit pas.

Alors sa vieille amie l’interrogea sur ses occupations actuelles, sur sa santé, sur l’état de son ménage. Et elle répliquait au hasard, l’esprit envahi de pensées étrangères.

Cela l’intriguait, cette femme trompée. C’était le premier être de cette sorte en face de qui les circonstances la mettaient, et elle l’observait attentivement, comme si elle eût espéré découvrir la cause de son abandon.

Pourquoi son mari la délaissait-il ? Rien d’apparent ne justifiait cette offense. Il lui restait de sa beauté célèbre des traits alourdis, mais d’un charme pénétrant, et des yeux affables, dont les coins étoilés de rides augmentaient la douceur. Elle avait des attitudes nobles et une grande harmonie dans les gestes. Lucie la plaignit en songeant à l’ouvrière sans grâce que son parrain accompagnait quelques jours auparavant. Puis elle lui compara Mme  Berchon,