Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/70

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et, là encore, guidée par une jalousie instinctive, elle estima que la gentillesse maniérée d’Henriette ne valait pas la distinction suprême de l’épouse.

Enfin, elle-même ne se posait-elle pas en rivale ? Un remords l’effleura, vite envolé. La conviction de sa supériorité lui donnait de l’assurance, et n’ayant exalté Mme Bouju-Gavart que pour mieux établir son propre triomphe, elle s’adjugea une force de séduction irrésistible. Elle eut l’impérieux besoin de revoir celui qui l’aimait, et elle dit :

— Votre mari se porte bien ?

Au même moment, il entrait. Elle fut déçue ; elle se l’imaginait plus jeune et plus attrayant. En outre, il fit preuve d’une délicatesse dont l’excès déjoua les prévisions de Lucie. Rien dans ses allures n’indiqua le moindre trouble. Elle s’en alla, dépitée, incertaine.

Les Bouju-Gavart partirent pour Dieppe. Mme Chalmin, obligée d’attendre sa mère, s’ennuya de nouveau. Son humeur s’altéra. Robert en souffrit patiemment, attribuant cette crise à l’intolérable chaleur qui régnait en ville. Il la traitait comme une enfant gâtée, ce qui la mettait hors d’elle. Des querelles s’élevèrent, suivies de bouderies. Les derniers points par où leurs âmes se touchaient s’évanouirent.

Alors elle flâna dans les rues, de vitrine en