Page:Leblanc - Une femme, 1893.djvu/89

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tardait à chercher dans la salle des bibelots qui n’existaient point, — ou bien s’asseyait, et songeait à ce qui se passait auprès d’elle.

Souvent elle colla son oreille contre la serrure. Elle ne distinguait rien. Et elle s’imaginait des enlacements éperdus, des choses fantastiques et mystérieuses auxquelles son mari ne l’avait pas initiée. Pour les avertir de sa venue, elle toussait et remuait des chaises. Dès sa rentrée elle les étudiait avidement. Le moindre indice la satisfaisait. Elle regrettait au contraire sa complicité, quand leur maintien dénotait une sagesse irréprochable.

Le mardi-gras, Paul proposa une partie au restaurant. Elles acceptèrent. Il courut retenir un cabinet à l’hôtel de Beauvais. Ces dames montèrent en « citadine ».

Pelotonnée au fond de la voiture, la main crispée au rideau bleu qui cachait la vitre, Lucie riait d’un rire saccadé dont ses nerfs souffraient. Elle avait peur. Dehors il gelait. Une couche de verglas couvrait le pavé. Elle s’écria :

— Si le cheval tombait, dites donc, un accident, un attroupement…

Et elle ajouta, presque tremblante :

— Ah ! c’est délicieux, cette crainte !

Le fiacre s’arrêta. Paul les attendait. Il les mena dans une petite pièce où flambait un joli feu clair. Un canapé en velours rouge l’ornait.