Page:Leblanc - Victor de la brigade mondaine, 1934.djvu/13

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
VICTOR, DE LA BRIGADE MONDAINE

C’est alors que, d’assez mauvaise humeur, il s’était réfugié au cinéma, où se donnait, en seconde matinée, un film très couru d’aventures policières. On le plaça aux fauteuils de balcon, sur le côté. L’entr’acte tirait à sa fin. Victor maugréait, furieux maintenant de sa décision. Que venait-il faire là ? Il allait repartir et se levait déjà, lorsqu’il aperçut, seule dans une loge de face, donc à quelques mètres de lui, une femme très belle, au visage pâle et aux bandeaux roux d’un reflet fauve. Elle était de ces admirables créatures vers qui tous les regards sont attirés, bien que celle-ci ne cherchât à capter l’attention ni par sa façon de se tenir ni par le moindre geste de parade.

Victor resta. Avant que la nuit brusque ne tombât dans la salle, il eut le temps d’enregistrer le reflet fauve des bandeaux et l’éclat métallique de deux yeux clairs, et, sans se soucier que le film l’ennuyât avec ses péripéties extravagantes, il patienta jusqu’au bout.

Non pas qu’il fût encore à l’âge où l’on se croit capable de plaire. Non. Il connaissait fort bien son âpre figure, son air peu aimable, sa peau rugueuse, ses tempes grisonnantes, bref cet ensemble revêche d’ancien adjudant de cavalerie qui aurait dépassé la cinquantaine, et qui chercherait à faire de l’élégance avec des vêtements trop ajustés à la taille et sentant la confection. Mais la beauté féminine était un spectacle dont il ne se lassait pas et qui lui rappelait les meilleures émotions de sa vie. En outre, il aimait son métier, et certaines visions lui imposaient le désir de discerner ce qu’elles cachaient de mystérieux, de tragique, ou même, parfois, d’infiniment simple.

Quand la lumière jaillit de nouveau et que la dame