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Sous le toit en terrasse, une colonnade de faux marbre éblouissant soutenait un portique corinthien. Entre les fûts de colonnes, des statues souriaient sans se lasser, depuis plus de cent ans dans des attitudes ridicules et compassées.

C’était les déesses de l’Olympe.

— Oh ! les pauvres dames ! murmura Pierre… Mais non, elles ne sont pas en sucre. Seulement peut-être bien qu’elles ont été pétrifiées par un enchanteur.

Sans répondre, Violette haussait les épaules.

Et, mue par la curiosité que nous avons tous héritée de notre grand’mère Ève, elle suivait toujours la laide.

Celle-ci ouvrit une grille, elle pénétra dans un beau jardin où des massifs de géraniums saignaient sur les pelouses, tandis que d’immenses tournesols jouaient à imiter le soleil.

Un peu hésitants tout de même, les deux enfants, tout à la fois honteux et ravis de leur indiscrétion, accompagnèrent de loin l’inconnue. N’avaient-ils pas pour justifier leur entrée dans ce château de rêve le talisman qu’était la chaussure perdue ?

Patapouf ! « La laide » monte sur le péristyle, ouvre la porte du château et elle la ferme sans se retourner, laissant les enfants cois sous le perron.

Une minute plus tard, Pierre stupéfait disait à Violette :

— Tu entends comme on se dispute là haut ?

— Mais oui, dit Violette, ça crie comme des perruches.

— Qu’est-ce que c’est des perruches ?

— C’est des oiseaux verts. Du moins on dit. Je n’en ai jamais vu.

— Mais c’est pas des oiseaux verts qu’on entend. C’est la sœur de Cendrillon et puis des autres voix. Peut-être qu’on assassine quelqu’un. Veux-tu monter, Violette ?

— Ah bien, je te remercie !

— N’aie pas peur. On n’assassine pas encore tout à fait. Ça crierait plus fort. Et puis j’ai mon couteau, s’il faut défendre Cendrillon. Allons viens, Violette. C’est l’heure du combat.

Violette n’était pas excessivement épouvantée, car elle se défiait encore de l’imagination de « Don Quichotte ». Elle se fit assez doucement violence. Quelques instants plus tard elle montait donc un grand escalier tout blanc et elle se faufilait avec Pierre dans la pièce d’où partaient les rumeurs.

En vérité, ces deux enfants n’étaient pas timides !

— Petite niquedouille, vilaine petite chouette de malheur, affreuse petite maritorne, où as-tu été ? Qu’as-tu fait de ton soulier ?