Page:Leblanc et Maricourt - Peau d’Âne et Don Quichotte, paru dans Le Gaulois, 1927.djvu/92

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— Mes enfants, vous me voyez marrie, interrompit brusquement Folette, je n’ai rien de bon à vous offrir pour la collation. Mais si vous le voulez bien, nous allons faire un tour à ma volière.

De fait les enfants remarquèrent qu’au milieu des trésors luisait, sur un fourneau de poupée un tout petit brouet au lait et aux pois chiches : le dîner de Mme Folette. À côté de la casserole mijotait aussi une tisane aux senteurs exquises.

Folette, voyant les enfants humer l’air, apaisa leur curiosité.

— C’est ma tisane, dit-elle ; avec les simples que je cueille, je puis faire tous les élixirs, même celui de longue vie. Mes recettes sont dans un gros volume vieux de trois siècles que personne ne connaît.

Après avoir ainsi parlé, elle entraîna ses hôtes sur l’escalier. De sa poche elle tira une clef grande comme une hache d’armes, elle ferma diligemment la porte et, l’oiseau bleu sur l’épaule, elle descendit les degrés et trottina en arrière du moulin, vers le petit parc que ne connaissaient point les enfants.

Quel admirable spectacle ! Quelle nouvelle féerie !

On y voyait en vastes cercles des arbres plusieurs fois séculaires, dont les cimes enchevêtrées formaient une voûte légère. Sur les troncs fendillés de lézardes de grosses lianes grimpaient en rampant. Au milieu des eaux somnolentes d’un bassin, sur un socle, îlot de pierres visqueuses, une Diane souriait de son énigmatique sourire de marbre, en tendant un arc immobile sur lequel venaient sauter les troglodytes et les roitelets.

Les enfants croyaient marcher dans un rêve. La chaleur d’une fin de beau jour pesait sur la nature maintenant alanguie. L’odeur âcre des buis et des mousses emplissait les abords du bassin. Les moustiques en joie se promenaient dans une ronde effrénée au-dessus des eaux métalliques…

— Maintenant, fit Folette, venez voir mes fleurs.

On s’avança dans les halliers vers une pergola dressée dans une verte clairière. Folette y courut.

Autour de celle-ci qui, le nez au vent, semblait humer les parfums de la nature, comme une belle du vieux temps qui aurait prisé du bon tabac, les roses formaient un luxuriant décor.

Grimpant au treillage vert, descendant sur les mousses d’un vieux banc et jusque sur le sable fin du sol, elles semblaient avides de jeter partout leur note éclatante et fraîche. Roses Pompadour, roses mousseuses, roses épanouies du matin ou roses effeuillées sous la froide caresse des nuits, elles embaumaient l’air léger de leur parfum subtil.