Page:Lebreton - Biographie rouennaise.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

(Voir les Mémoires Biographiques de Guilbert, et la France Littéraire de J.-M. Quérard.)


DU BOCCAGE (Marie-Anne Le Page), une des femmes dont la célébrité dans les lettres fut des plus éclatantes, naquit le 22 novembre 1710. Fille d’un honorable négociant de Rouen, elle épousa, à dix-sept ans, Fiquet du Boccage, et se fit bientôt connaître dans la littérature par des œuvres dignes d’être remarquées. Jamais renommée littéraire ne s’étendit plus rapidement que celle de notre compatriote, dont les poésies, traduites en plusieurs langues, lui valurent, lors de ses pérégrinations en Angleterre, en Hollande et en Italie, d’être recherchée et fêtée par des personnages de la plus haute distinction. Reçue comme en triomphe à la cour de Londres, elle l’était également en Hollande par le prince de Nassau, et à Rome, Benoît XIV, auquel elle avait dédié son poëme la Colombiade, mit le comble aux louanges qui lui étaient adressées de toutes parts en lui témoignant la haute estime qu’il avait pour son beau talent.

Recherchée pour les charmes de son esprit, les grâces de sa physionomie, de ses manières, et surtout pour les excellentes qualités de son cœur, Mme Du Boccage ne cessa d’être entourée d’une cour composée des hommes éminents de son époque, cour au milieu de laquelle elle trônait en reine de la beauté et de l’intelligence. Elle avait pour courtisans assidus Fontenelle, Condillac, Lalande, Marmontel, Condorcet, Gentil-Bernard, Marivaux et de Bréquigny. Jamais auteur ne reçut, à l’occasion de ses ouvrages, un aussi grand nombre d’éloges en vers et en prose que n’en reçut cette aimable muse de la cité de Corneille, dont le sexe autant que le talent, fort remarquable d’ailleurs, motivait, nous devons le dire, ce tribut d’hommages et de galantes adulations, dont la réunion formerait un gros recueil.

Après avoir reçu de Voltaire, qu’elle alla visiter en passant à Ferney, une couronne de fleurs que lui-même lui avait posée sur la tête en disant que c’était le seul ornement qui manquât à sa coiffure, Mme Du Boccage, qui venait de donner au théâtre sa tragédie des Amazones, recevait encore de l’illustre poëte philosophe, à propos du succès de cette tragédie, une gracieuse épître dans laquelle il lui disait : « Vous vous êtes couronnée de myrtes et de lauriers ; vous joignez l’empire de la beauté à celui de i’esprit et des talents. Les femmes n’osent pas être jalouses de vous, et les hommes vous aiment et vous admirent. »

Demoustier, le galant auteur des Lettres à Émilie, qui avait également fait respirer à la moderne Sapho plus d’une fleur poétique, lui adressait, alors qu’elle était plus qu’octogénaire, les vers suivants, qui sans doute ne sont pas les moins heureux du genre :

« On regrette le temps passé sans vous connaître.
» Combien on eût joui d’un commerce aussi doux !
» Il semble que plus tôt on aurait voulu naître,
» Pour avoir le plaisir de vieillir avec vous.