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QUELQUES ÉPISODES DE NOTRE VIE EN EXIL.




Le réveillon de l’exilé.


Tout est silencieux, seul, là devant moi, le tic tac de ma montre donne de la vie à mon coin solitaire. Au dehors la bise souffle en rafales. Je suis là guêttant la grande aiguille dans sa course rythmée et au fur et à mesure qu’elle approche de minuit, mon cœur bat avec plus de violence. C’est que je vois avec joie 1914 s’éloigner dans la nuit des temps, j’aperçois déjà l’aurore de 1915. À l’instant où la grande aiguille dans sa course régulière atteint minuit, indiquant la disparition de cette année maudite, j’entends comme un bruit musical arriver à mes oreilles. J’écoute plus attentivement et me croyant l’objet d’une hallucination, je sors de ma baraque, la bise fait toujours rage et la neige à gros flocons pare d’un manteau virginal 1915 qui se lève. La bise m’apporte, en effet, le son des cloches de Soltau. Le carillon jette ses notes claires ou graves qui emplissent la plaine im-