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KHIRÔN.

Et la nue au flanc d’or, voile mystérieux,
En des lambeaux de feu déchirée et flottante,
Montrait des pâles Dieux la foule palpitante !
La clameur des mortels roulait, les flots grondaient
Et d’eux-mêmes, au loin, en sanglots s’épandaient,
Comme de noirs, captifs qui, dans l’ombre nocturne
Redemandent la vie à l’écho taciturne
Et désespérément se heurtent front sur front.
Or, la Terre vengeait enfin l’antique affront
Du Dieu source des Dieux, que de sa faux cruelle
Mon père mutila dans la voûte éternelle,
Alors que, débordant comme un fleuve irrité,
Le Sang subtil coula du ciel épouvanté,
Et qu’en flots clandestins la divine Semence
Féconda lentement la Terre au sein immense !


Donc, du crime infini formidables vengeurs,
Naquirent tout armés les Géants voyageurs,
Monstres de qui la tête était ceinte de nues,
Dont le bras ébranlait les montagnes chenues,
Et qui, toujours marchant, secouaient d’un pied lourd
Les entrailles du monde et jusqu’à l’Hadès sourd !
De leurs soixante voix l’injure irrésistible
Retentit tout à coup dans l’Olympe paisible…
Mais ne pouvant porter au sein des larges cieux,
Terreur des Immortels, leurs fronts audacieux,
Les premiers, Diophore et l’informe Encelade
De l’Empire céleste ont tenté l’escalade !