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POÈMES ANTIQUES.

Tandis que, prolongeant d’harmonieuses luttes,
Les jeunes chevriers soufflent aux doubles flûtes.

Tout s’apaise : l’oiseau rentre dans son nid frais ;
Au sortir des joncs verts, les Nymphes des marais,
Le sein humide encor, ceintes d’herbes fleuries,
Les bras entrelacés, dansent dans les prairies.
C’est l’heure où Thestylis, la vierge de l’Aitna,
Aux yeux étincelants comme ceux d’Athana,
En un noir diadème a renoué sa tresse,
Et sur son genou ferme et nu de chasseresse,
A la hâte, agrafant la robe aux souples plis,
Par les âpres chemins de sa grâce embellis,
Rapide et blanche, avec son amphore d’argile,
Vers cette source claire accourt d’un pied agile,
Et s’assied sur le bord tapissé de gazon,
D’où le regard s’envole à l’immense horizon.

Ni la riche Milet qu’habitent les Iônes,
Ni Syracuse où croît l’hélichryse aux fruits jaunes,
Ni Korinthe où le marbre a la blancheur du lys,
N’ont vu fleurir au jour d’égale à Thestylis.
Grande comme Artémis et comme elle farouche,
Nul baiser n’a jamais brûlé sa belle bouche ;
Jamais, dans le vallon, autour de l’oranger,
Elle n’a, les pieds nus, conduit un chœur léger,
Ou, le front couronné de myrtes et de rose,
Au furtif hyménée ouvert sa porte close ;
Mais quand la Nuit divine allume l’astre aux cieux,